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La révolte des Gilets Jaunes impose de réinventer la démocratie de délégation

Beaucoup ont essayé de définir le mouvement des Gilets Jaunes, sa composition sociale, les causes de la colère à visages multiples où se mêlent l’exigence et le flou, son avenir et ses conséquences politiques. Je n’ai rien lu, rien entendu, de bien convaincant si ce n’est peut être les analyses de l’historien Pierre Rosanvallon pour qui « cette révolte est le révélateur du nécessaire basculement de la société dans un nouvel âge du social et de l’action démocratique ».

Nouvel âge du social où sera remis en cause notre système d’assistance (assistanat ?) couteux, inefficace et finalement injuste construit depuis des décennies et dont l’architecture est devenue illisible. Le débat sur le revenu universel engagé lors des dernières élections présidentielles a été vite refermé : le mouvement des gilets jaunes oblige à le relancer car la question du « pouvoir d’achat » a vite été élargie au « pouvoir de vivre » qui au-delà du « reste à vivre » inclut l’exigence de dignité, de respect, d’écoute et de liberté. C’est ce qui explique la rapidité et l’ampleur de la résonnance à travers tous les milieux, salariés et retraités modestes, autoentrepreneurs, petits patrons etc.

La colère qui avec la puissance médiatique des réseaux sociaux et des chaines d’info s’est transformée en révolte puissante a mis au centre du débat politique la question sociale reléguant au second plan les questions identitaires et leurs dérives nationalistes et xénophobes ; et c’est tant mieux !

Gilets Jaunes Acte 3 – Samedi 1er Décembre – Perpignan

Il est désormais incontournable de remettre en cause le système social et fiscal ; le chemin sera long mais il est incontournable.

Encore faut il pour s’engager sur ce chemin que la question démocratique c’est-à-dire la légitimité de ceux qui dirigent, soit résolue et ce n’est pas un débat national aux contours flous et des cahiers de doléances dans les mairies qui régleront le problème !

La rigidité de nos institutions ne permet aucune issue politique à la révolte actuelle qui dés lors met violemment en lumière l’inadaptation de la Vème République aux exigences démocratiques d’une société informée, interactive et où les masses populaires sont en mal de reconnaissance : un Président et une majorité monolithique élus pour 5 ans par moins de 20% du corps électoral (compte tenu des abstentions) ont besoin de se relégitimer régulièrement.

Mais comment ?

Dissoudre l’Assemblée et déboucher sur une cohabitation impuissante qui discréditerait encore davantage les institutions ? Démissionner le Premier Ministre mais sans changement de cap, sans changement de majorité ? Multiplier les référendums sur tous les sujets économiques, fiscaux, environnementaux, sociétaux ? Autant supprimer le parlement et se priver de sa capacité d’analyse, de négociation et de décision dans un monde devenu très complexe et très dangereux ; d’ailleurs aurait-on supprimé la peine de mort, créé le droit à l’I.V.G. ou le mariage pour tous et bien d’autres réformes sociétales par référendum ? J’en doute… Néanmoins l’expérience suisse et surtout italienne des référendums d’initiative citoyenne mérite d’être analysée et adaptée à la culture politique française.

La révolte des Gilets Jaunes impose de réinventer la démocratie de délégation ce qui rend désormais incontournable une évolution profonde de la Constitution vers un système parlementaire, où l’exécutif est sous contrôle d’un Parlement représentatif de la diversité sociopolitique du corps électoral et donc capable d’être le relais interactif des questions qui mettent en tension la société française.

Le système jupitérien fondé sur une République bonapartiste est mort sur nos ronds-points et ce en dépit des casseurs et de leur violence abjecte.

Désormais la voie est ouverte pour inventer une République démocratique.

Crédit photos MadeinPerpignan.com

Jean-Marc Pujol lance la campagne des municipales: pourquoi si tôt ?

Jean Marc Pujol jusqu’à ce jour se voulait rassembleur et on pouvait déduire de ses interviews que sa stratégie était d’attendre la dernière ligne droite pour se présenter en recours, en sage au-dessus de la mêlée, « Macron compatible » qui plus est, et s’affirmant seul capable de barrer la route au FN, rebaptisé RN.

Aujourd’hui, sans doute sous l’amicale pression de ses « amis politiques» de LR, le langage est guerrier, « je repars au combat », et celles et ceux qui ne font pas allégeance sont éliminés ou marginalisés ; de « rassembleur» il ne reste que le mot qui masque mal le choix de se recentrer sur ses fidèles, ses affidés et sous la bannière du parti de Laurent Wauquiez dont les dérives droitières et populistes s’accélèrent.

Pourquoi ce changement de pieds avant même les élections européennes dont chacun s’accorde à penser qu’elles donneront des indications précieuses sur la recomposition politique en cours au niveau national et local?

Pourquoi « partir au combat » si tôt ? (Je n’aime pas cette expression : les élections municipales sont un moment démocratique privilégié où se confrontent les idées, les valeurs, les projets mais non pas une guerre ni même un combat, de partis ou de clans).

Dix huit mois c’est long et se mettre ainsi en première ligne dès à présent c’est courir le risque d’être une cible « privilégiée » : à la question « pour ou contre une mairie FN à Perpignan ? » s’ajoute et même se substitue « pour ou contre un nouveau mandat au maire actuel ? »

Nos concitoyens ne souhaitent plus s’enfermer dans ces deux questions qui étaient déjà celles des élections de 2014 ; ils attendent un projet concret et ambitieux sur l’habitat, l’emploi, la mobilité, le stationnement, la sécurité, la culture, l’écologie ; ils espèrent le renouvellement de la classe politique, un souffle nouveau comme une promesse d’un vivre ensemble apaisé et solidaire ! Les combats d’appareil ne les concernent plus.

Dix huit mois c’est beaucoup et chaque mois apportera son lot d’événements imprévus… En politique le probable se réalise rarement et ce, surtout lorsque les échéances électorales sont lointaines ! Le temps n’est pas à la précipitation dans des joutes prématurées mais au travail d’écoute et de proximité pour bâtir un projet partagé.

Crédit photo – L’Independant.

BATISSEURS D’ARCHIPEL CONTRE BATISSEURS DE FRONTIERES …

Une rencontre improbable avec Alain Tarrius que je connaissais pour ses écrits sur la mosaïque cosmopolite de Perpignan, m’a convaincu qu’il fallait que j’explicite ce concept « d’Archipel » si souvent utilisé pour expliquer les objectifs de mon action publique.

J’ai donc repris l’écriture et le résultat fut un livre publié récemment où nos analyses se sont juxtaposées et complétées.

Alain Tarrius s’est centré sur gitans et marocains et a brillamment démontré que ces deux communautés loin d’être repliées sur elle-même développent des échanges commerciaux dans des réseaux circulatoires sur des itinéraires aux larges horizons en Méditerranée, en Afrique et en Europe ; des échanges criminels (drogue et prostitution) mais aussi licites pour lesquels Perpignan est une étape centrale.

Cette économie, licite, puissante mais souterraine est totalement ignorée des politiques publiques de réhabilitation des quartiers dégradés où se concentrent ces populations ; à lire Alain Tarrius j’en conclus que si le Programme de Rénovation Urbaine a échoué à briser la « ghettoïsation » de ces quartiers et ce malgré de très lourds investissements ( prés de 300 millions d’€ en six ans) c’est en raison de la faible participation de ses habitants à la transformation de leur cadre de vie : il aurait fallu savoir s’appuyer sur les ressources humaines mais aussi financières de ces communautés ; pour briser le ghetto il faut briser l’assistanat généralisé et donc favoriser le développement économique et l’investissement dans l’habitat par les communautés elles-mêmes.

L’intégration sociale passe par l’intégration économique : il faut donc que cette économie souterraine s’investisse à Perpignan. Je note que la communauté turque, musulmane, s’est mieux intégrée précisément parce qu’elle a su créer des solidarités pour investir dans l’habitat et l’économie locale ; ce n’est pas le cas globalement de la communauté marocaine qui reste concentrée, enfermée, dans quelques quartiers ; c’est encore moins le cas pour les gitans de Saint Jacques qui malgré leur maitrise de flux financiers importants mise en évidence par Alain Tarrius, non seulement ne prennent aucune initiative entrepreneuriale locale mais n’investissent pas dans leur habitat ce qui explique que le bâti continue de se dégrader et de s’effondrer : le mal progresse plus vite que les améliorations ponctuelles des actions publiques très couteuses et… subies.

Ainsi je tire des analyses d’Alain Tarrius un message simple : refuser de connaitre et comprendre ces économies souterraines c’est interdire aux politiques publiques d’enclencher dans ces quartiers une dynamique de développement soutenue par les habitants eux-mêmes et donc durable.

Mais pour combattre la fragmentation dangereuse de notre Cité, lourde de replis xénophobes et de dangers d’affrontements, il faut réussir à briser les frontières culturelles et physiques qui isolent ces communautés et leurs quartiers : il faut donc construire l’archipel des quartiers et l’archipel des cultures.

Être bâtisseur d’Archipel c’est à la fois combattre les communautarismes qui enferment et les dogmes Jacobins pour qui l’intégration est synonyme d’assimilation-digestion dans une France où nous serions tous Gaulois… Faire archipel ce n’est pas renoncer à son identité mais se convaincre que connaitre et partager nos différences est la condition nécessaire d’une cité cosmopolite apaisée et riche de ses diversités.

Plus concrètement cela implique une politique municipale qui non seulement améliore le cadre de vie des quartiers, leur vie sociale, leur patrimoine, leurs équipements, leur économie, mais multiplie les actions de désenclavement physique, culturel, éducatif et festif pour les mettre en réseau entre eux et avec l’ile -centre dont les contours sont le Castillet, la place de la République, les Dames de France et le théâtre de l’Archipel. Et la présence active sur le terrain des élus municipaux et de leur Maire fait partie de cette mise en réseau des quartiers et de la dynamique du centre ville…

Aujourd’hui plus j’analyse mon action publique, innovante et entreprenante sur le premier mandat, moins sur le second, plus je porte un regard inquiet sur l’évolution actuelle des quartiers, Saint Jacques en particulier ou encore le centre-ville et plus je crois nécessaire de renforcer la cohésion de l’archipel des quartiers, l’archipel des communes, l’archipel des cultures, l’archipel des croyances…

Demain, il faut s’en convaincre, les élections municipales seront la confrontation des bâtisseurs d’archipels contre les bâtisseurs de frontières.

Pour survivre ils s’affirment « Macron compatibles » !

Anne Hidalgo, maire socialiste de Paris, le fait discrètement… Christian Estrosi, maire de Nice, a eu par contre des positions courageuses en faveur d’Emmanuel Macron dès la veille du premier tour des élections présidentielles ; il a créé avec Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, ex centriste du C.D.S. (Centre des Démocrates Sociaux), « La France ambitieuse », une plateforme ouverte aux maires qui ont besoin pour survivre en 2020 de ne pas avoir de liste LaREM ( La République En Marche) contre eux…

Plateforme ou « radeau de la Méduse » pour accueillir les naufragés de 2017 ?

Le maire de Perpignan est monté sur ce radeau : il serait donc « Macron compatible » ?

Je me souviens pourtant de la volée d’insultes à laquelle j’ai eu droit dans le quotidien local parce que j’avais jugé indigne que lui et la plupart des dirigeants de L.R. n’aient pas appelé clairement à faire barrage à Marine Le Pen au soir du premier tour des Présidentielles. Je me souviens également qu’une plainte avait été déposée par notre maire contre Emmanuel Macron pour donner suite à ses propos en Algérie. D’ailleurs où en est-elle cette plainte « Macron compatible » ?

A l’inverse peut on croire qu’Emmanuel Macron serait compatible avec ceux qui défilaient, écharpe tricolore en bandoulière, aux côtés de « Sens Commun » à la manif contre le mariage pour tous ?

Peut-on être Macron compatible le matin et le soir admirer le parler franc « à droite toutes » de Laurent Wauquiez, ou encore le lendemain lancer dans la bataille municipale un de ses adjoints, sabre au clair contre LaREM, manifestant et dénonçant les mesures gouvernementales ?

Si la recomposition politique en cours se perd dans un océan de confusions en tous genres nos concitoyens continueront de s’éloigner des urnes ; l’abstention et les votes populistes de refus poursuivront, vote après vote, leur montée mortifère pour la démocratie.

A l’inverse, si la recomposition politique débouche sur des confrontations de programmes et de convictions claires portés par des femmes et des hommes nouveaux et libres d’attaches avec le personnel politique sur les estrades depuis des décennies, on peut espérer voir la jeunesse et les forces vives de notre pays catalan s’engager pour redonner vie et dynamisme à la démocratie locale.

Oui, l’espoir est en marche et il ne faut pas le décevoir.

Et ce souffle nouveau viendra frapper le Castillet comme une Tramontane salutaire sait dégager le ciel…

Mariano Rajoy peut-il aujourd’hui gouverner l’Espagne ?

Il est resté droit dans ses bottes, refusant tout dialogue avec les indépendantistes qui, malgré l’emprisonnement ou l’exil de leurs leaders, ont remporté les élections qu’il avait provoquées.
Il disait avoir décapité la rébellion, il avait pris le pouvoir administratif, judiciaire et même audiovisuel ( TV3 s’est vue interdire la retransmission de l’impressionnante manifestation de plus de 50 000 nationalistes catalans tous drapeaux déployés sur les places de Bruxelles) et voilà qu’il a subi une défaite historique, une authentique débâcle : 4,7 % des voix, 4 députés sur 135…

Dans n’importe quel pays démocratique un tel désaveu obligerait à la démission immédiate.
Mais le Royaume d’Espagne est-il une monarchie démocratique ?

Depuis plusieurs mois le doute s’est installé et aujourd’hui la question devient incontournable.
L’entêtement à ne pas prendre la mesure de la revendication séparatiste catalane, le refus de tout dialogue avec des élus légitimes qui ne faisaient qu’appliquer pacifiquement le programme pour lequel ils avaient été élus a pour résultat une marche mortifère vers une crise sans précédent du royaume, crise identitaire, morale, politique et économique.

Qui peut arrêter cet affrontement suicidaire ?

L’Europe ? Elle pourrait, elle devrait mais elle refuse toute initiative qui pourrait être interprétée comme une ingérence dans les affaires internes d’un Etat souverain. En d’autres temps elle avait applaudi au démantèlement de la Tchécoslovaquie ou de la Yougoslavie voire de la Serbie… Aujourd’hui elle condamne les manquements aux principes démocratiques en Pologne et en Hongrie. Mais sur la question catalane elle a fermé les yeux devant les violences dans les bureaux de vote du 1er octobre et maintenant elle dit, par la voix du Président de la Commission, « qu’elle ne changera pas de position » malgré un vote incontestable (taux de participation : 82% ) et où les indépendantistes recueillent 47,6 % des voix contre 43,3 % aux unionistes ( et 10 % à Podemos qui réclame un référendum ). C’est une attitude irresponsable qui affaiblit la parole de l’Europe.

Seule Angela Merkel a eu le courage d’appeler au dialogue… Et notre Président pourtant très actif à l’international se tait, refuse de s’intéresser à ce qui se passe au Sud des Pyrénées…

Pourtant la crise catalane et espagnole concerne l’Europe, ses valeurs, sa cohésion et son économie… Elle révèle en tous cas la difficulté et même l’incapacité des Etats-nation et de l’Europe a gérer la montée des revendications identitaires : le fédéralisme a fait la force des Etats Unis et il est à l’ordre du jour un peu partout en Europe, et en Espagne plus qu’ailleurs.

Qui peut arrêter ce désastre, ce vertige mortifère qui saisit l’Espagne ?

Pour que des voix nouvelles se fassent entendre et permettent d’ouvrir un chemin, il faut d’abord la démission de celui qui par son manque total d’intelligence politique a conduit l’Espagne au bord de l’explosion : la démission de Mariano Rajoy est aujourd’hui incontournable.

C’est un préalable pour que s’ouvre un dialogue ; il faudra également pour qu’il y ait dialogue que les leaders indépendantistes soient libres !

Le roi d’Espagne doit comprendre que « pour que tout continue, il faut d’abord que tout change ».
Avant qu’il ne soit trop tard…

Le 21 décembre les citoyens de Catalogne peuvent-ils donner la victoire aux héritiers de Franco ?

Il faut être clairs : Mariano Rajoy et ses alliés de Ciutadanos, avec la complicité du Parti Socialiste ont refusé à la Catalogne le droit de s’exprimer, « el dret de dir », au nom d’une Constitution rédigée dans les dernières heures du franquisme et jamais modifiée depuis.

Cet héritage du franquisme a d’ailleurs pris ces derniers mois d’autres formes : perquisitions des rédactions des journaux d’opposition, écoutes téléphoniques, répression brutale des citoyens venus voter le 1er octobre, la prison ou l’exil pour les opposants politiques, la mise sous tutelle des administrations et de la télévision catalane, et pour faire bonne mesure une justice d’exception…
Notons que la demande d’extradition de Carles Puigdemont a été retirée devant le refus prévisible par une Justice belge, elle, indépendante du pouvoir politique…

Les héritiers du franquisme et leurs complices espèrent sortir vainqueurs de l’élection qu’ils ont convoquée le 21 décembre prochain. Pour cela ils se sont donnés des moyens que seuls Poutine ou Erdogan ont jusqu’à présent mis en œuvre en Europe : les leaders de l’opposition interdits de mener campagne, meetings ou débats télévisés, contrôle de la Télévision, une administration d’exception pour organiser les bureaux de vote…

Oui, le royaume d’Espagne apparait aujourd’hui sous son vrai jour : un héritier du franquisme qui n’a jamais totalement rompu avec ses origines.

Et pendant ce temps l’Europe se tait et reste sourde malgré les 50 000 manifestants venus à Bruxelles sous ses fenêtres réclamer la libération des emprisonnés politiques… Et pendant ce temps le Président Macron prépare les funérailles nationales de notre Johnny sur les Champs Elysées (Pardon : les funérailles populaires…)

Les citoyens de Catalogne vont-ils donner la victoire aux héritiers de Franco ?
Ne vont-ils pas au contraire, qu’ils soient pour ou contre l’indépendance, dénoncer cette élection truquée en refusant au Parti Popular, Ciutadanos et PSOE, le droit de former un gouvernement de Catalogne ?
Ne vont-ils pas imposer dans les urnes que s’ouvrent enfin des négociations pour trouver une issue démocratique à la crise catalane ?

Et cette issue, depuis le 13 septembre dernier, porte un nom :
« EL DRET DE DIR »

La force tranquille du peuple catalan : Mais jusqu’à quand ?

En suspendant la déclaration d’indépendance Carles Puigdemont avait laissé la porte ouverte au dialogue et à la négociation.

La réponse de Mariano Rajoy, soutenu par le PSOE, Ciutadanos et le roi Phillippe VI, fut l’emprisonnement des Présidents des associations ANC et OMNIUM cultural, la suspension de l’autonomie catalane et la destitution de ses dirigeants démocratiquement élus sur un programme qu’ils appliquent aujourd’hui.

Dès lors Carles Puigdemont ne pouvait faire autrement que de soumettre à son Parlement le vote pour l’indépendance de la Catalogne.
la Republique catalane fut créée.
Et la nuit fut joyeuse…

Du moins pour celles et ceux qui depuis des semaines, des mois, des années s’opposent pacifiquement à une Constitution postfranquiste, jamais reformée, qui interdit l’organisation d’une solution démocratique, à savoir un référendum comme au Québec, en Ecosse ou encore en Slovaquie, en Croatie ou au Kosovo…

Tous les grands gouvernants du monde ont refusé à la nation catalane le droit à l’autodétermination… sauf la Russie (qui pourtant l’a refusée en son temps à la nation tchétchène qui certes le demandait à coups d’attentats et la kalachnikov en main…)

Jusqu’à quand « la force tranquille » des indépendantistes catalans résistera aux humiliations, aux emprisonnements et aux violences ?

Personne ne peut répondre à cette question angoissante mais il est clair qu’il faut rapidement retourner aux urnes avant qu’un drame ne se déclenche.

Les deux parties doivent éviter d’exacerber les tensions pour que le résultat de ce nouveau scrutin soit incontestable ; c’est l’intérêt bien compris de la Catalogne, de l’Espagne et de l’Europe.

Quel que soit le résultat le retour au passé n’est plus possible
– Soit les indépendantistes l’emportent et il faudra bien négocier,
– Soit les nationalistes l’emportent et il faudra bien réformer.

Aujourd’hui la fracture politique, culturelle, économique est trop profonde pour être réduite par quelques bruits de bottes, quelques hochements de menton vengeur ou quelques réformettes.

Une fois encore le futur se construit en marchant mais l’ordre ancien ne peut se survivre.

Credit photo : Capture d’écran d’images de TV3 Catalane

Les Catalans ont gagné le droit à une médiation internationale

J’étais à Barcelone hier : impressionnant et révoltant …

Impressionnantes ces longues files de citoyens espérant voter, stoïques sous la pluie, bravant les menaces d’un gouvernement madrilène en total déni de réalité,

Impressionnants ces Mossos en larmes et ces pompiers en uniforme rouge et casques d’or s’interposant pour éviter le déferlement de violences…

Révoltants ces policiers noirs, des bottes jusqu’au casque, noirs comme leurs matraques, s’abattant sur une foule pacifique, les mains en l’air criant « votarem! »,

Révoltant cette femme aux cheveux blancs maculés de sang, traînée par quatre policiers…

Impressionnante les réactions internationales d’hier (Dirigeants français exceptés…) et celle d’Ada Colau, maire de Barcelone, restée jusqu’à ce jour très modérée,

Révoltant Mariano Rajoy affirmant « il n’y a pas eu de Référendum » alors que deux millions de citoyens ont trouvé le chemin des urnes malgré les 10 000 policiers venus les en empêcher !

Et maintenant ?

D’un côté Mariano Rajoy a perdu la bataille du Référendum dont il a fait lui-même le test de son autorité ; il est aujourd’hui disqualifié pour engager le dialogue nécessaire, incontournable avec les dirigeants catalans,

De l’autre Carles Puigdemont peut certes être fier de la mobilisation populaire qui a revendiqué pacifiquement son droit à la démocratie pour choisir son destin mais il doit savoir que la communauté internationale ne peut donner une quelconque légitimité à une consultation où seulement 42% des citoyens ont pu s’exprimer, essentiellement les indépendantistes.

Quelle issue ? Quel chemin ?

Pour ma part je ne vois pas d’autre chemin que celui d’une médiation internationale que seule l’Europe peut définir : l’indépendance n’est pas la seule issue mais le statut quo est encore moins crédible.

Il n’est plus temps, il n’est plus admissible ni à Paris, ni à Berlin ni à Bruxelles de détourner le regard sur ce qui se passe au sud des Pyrénnées :

Ce qui s’est passé dimanche à Barcelone concerne tous les européens.

« N’ayez pas peur de vos rêves » disait Jacques Parizeau, premier ministre du Quebec qui organisa le Référendum de 1995 (perdu pour moins de 1% des votants) ; mon rêve est de voir un jour l’Europe exigeante sur la protection des droits civiques en Hongrie, en Pologne mais aussi en Espagne !

Quelle légalité s’oppose au « Dret de dír » ?

La légalité de la Cour Constitutionnelle d’Espagne ?
Mais cette Cour refuse de voir que la Constitution qu’elle protège est contraire aux traités internationaux pourtant ratifiés par le royaume d’Espagne…

Le droit international est du coté des Catalans qui exigent pacifiquement « El fret de dír », c’est à dire l’application du droit imprescriptible « des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Où est la légalité des perquisitions de journaux, de la rafle des hauts fonctionnaires et des élus favorables au référendum (aujourd’hui libérés sous la pression populaire), du viol du courrier privé et surtout de la suspension de l’autonomie de la Généralitat en bloquant ses comptes bancaires ?

Cet « État d’exception » qui rappelle celui du Président turc Erdogan, n’est fondé sur aucun vote ni débat au Parlement et donc n’a aucune base légale ; jusqu’où le Président Mariano Rajoy ira-t-il pour museler le peuple catalan dont les seules armes sont des urnes ?

Et l’Europe si prompte à s’émouvoir des manquements aux droits démocratiques en Pologne ou en Hongrie est restée silencieuse, un silence assourdissant …

De même en France aucun de nos dirigeants politiques n’a pris la peine de commenter les violations graves en Catalogne des droits élémentaires des citoyens ; chez nous la France Insoumise préfère soutenir le dictateur du Vénézuèla, Nicolas Maduro…

Quant à nos élus locaux, de droite, de gauche et d’ailleurs, ils sont aux abonnés absents, à moins que leurs paroles n’aient été emportées au loin par la tramontane…
Nous étions bien seuls, Jaume Roure, Brice Lafontaine et moi pour soutenir nos amis Carles Puigdemont et Artur Mas….

La Catalogne est isolée dans son combat pour la démocratie ; son combat est pacifique mais déterminé ; il mérite notre soutien et même davantage : notre solidarité.

Le franquisme est à nos portes et cela ne nous concernerait pas ?

UNA DIADA PER EL DRET DE DÍR !

J’étais hier à Barcelone pour cette « Diada » historique ; un million de femmes et d’hommes derrière un mot d’ordre simple : « REFERÈNDUM ES DEMOCRÀCIA ».

Un rassemblement festif avec des chants, des rires, des embrassades, la fête populaire d’une foule immense et diverse, venue de tous les horizons des pays catalans, une fête pacifique qui sentait bon la solidarité et la liberté.

Point de bataillons de CRS et de service d’ordre musclé, point de casseurs encagoulés comme en France à chaque manifestation…

Les Présidents Carles Puigdemont et Artur Mas sont restés dans la foule ; Jordi Sanchez Président de l’Assemblée Nationale Catalane était seul sur la tribune pour rappeler que malgré les menaces et les intimidations on se battait ici avec des urnes pour que tous les citoyens puissent s’exprimer et dire oui ou non au processus engagé vers la constitution d’une République catalane ; le discours était clair, ferme mais sans jamais verser dans les intonations populistes de nos tribuns nationaux… Il a regretté que les maires socialistes mais aussi Ada Colau, maire de Barcelone aient refusé d’installer des urnes dans les locaux municipaux… Un juriste est ensuite venu expliquer que le droit espagnol n’était pas conforme au droit international et notamment à la Constitution de l’Europe qui garantissent le droit des peuples à choisir démocratiquement leur avenir… « votarem ! » scandait la foule…

Une foule qui s’est dispersée dans le calme dans les rues voisines et l’on voyait sur les visages des sourires qui se répondaient pour dire : « Nous y étions ! ».

J’ai eu un long entretien avec le Président Artur Mas, aujourd’hui persécuté par le gouvernement de Madrid : menaces permanentes, privation des droits civiques, condamnation à une amende de 5 millions d’euros pour avoir organisé une consultation populaire… Je retiens de cette discussion que si Mariano Rajoy avait eu l’intelligence d’ouvrir le dialogue sur le pacte fiscal et les compétences de la Generalitat de Catalunya la question d’un référendum pour l’indépendance ne se serait pas posée.
Mais le Parti Popular de Mariano Rajoy n’a jamais totalement rompu avec le franquisme et il reste dans ses gènes la haine de la République catalane…

Pour moi Mariano Rajoy a l’entière responsabilité de la crise actuelle dont personne ne peut dire ce qu’elle enfantera.

Pour moi seul un respect exigent de la démocratie peut ouvrir un chemin à la générosité populaire qui s’est exprimée hier en réponse aux menaces et à l’autisme du gouvernement actuel de Madrid, une générosité populaire qui refuse la haine et la violence.

Hier j’ai assisté à une vraie leçon de citoyenneté responsable et pacifique,
Une leçon à l’adresse des Etats et des peuples d’Europe.

Credit photo de UNE, El Punt Avui