BATISSEURS D’ARCHIPEL CONTRE BATISSEURS DE FRONTIERES …

Une rencontre improbable avec Alain Tarrius que je connaissais pour ses écrits sur la mosaïque cosmopolite de Perpignan, m’a convaincu qu’il fallait que j’explicite ce concept « d’Archipel » si souvent utilisé pour expliquer les objectifs de mon action publique.

J’ai donc repris l’écriture et le résultat fut un livre publié récemment où nos analyses se sont juxtaposées et complétées.

Alain Tarrius s’est centré sur gitans et marocains et a brillamment démontré que ces deux communautés loin d’être repliées sur elle-même développent des échanges commerciaux dans des réseaux circulatoires sur des itinéraires aux larges horizons en Méditerranée, en Afrique et en Europe ; des échanges criminels (drogue et prostitution) mais aussi licites pour lesquels Perpignan est une étape centrale.

Cette économie, licite, puissante mais souterraine est totalement ignorée des politiques publiques de réhabilitation des quartiers dégradés où se concentrent ces populations ; à lire Alain Tarrius j’en conclus que si le Programme de Rénovation Urbaine a échoué à briser la « ghettoïsation » de ces quartiers et ce malgré de très lourds investissements ( prés de 300 millions d’€ en six ans) c’est en raison de la faible participation de ses habitants à la transformation de leur cadre de vie : il aurait fallu savoir s’appuyer sur les ressources humaines mais aussi financières de ces communautés ; pour briser le ghetto il faut briser l’assistanat généralisé et donc favoriser le développement économique et l’investissement dans l’habitat par les communautés elles-mêmes.

L’intégration sociale passe par l’intégration économique : il faut donc que cette économie souterraine s’investisse à Perpignan. Je note que la communauté turque, musulmane, s’est mieux intégrée précisément parce qu’elle a su créer des solidarités pour investir dans l’habitat et l’économie locale ; ce n’est pas le cas globalement de la communauté marocaine qui reste concentrée, enfermée, dans quelques quartiers ; c’est encore moins le cas pour les gitans de Saint Jacques qui malgré leur maitrise de flux financiers importants mise en évidence par Alain Tarrius, non seulement ne prennent aucune initiative entrepreneuriale locale mais n’investissent pas dans leur habitat ce qui explique que le bâti continue de se dégrader et de s’effondrer : le mal progresse plus vite que les améliorations ponctuelles des actions publiques très couteuses et… subies.

Ainsi je tire des analyses d’Alain Tarrius un message simple : refuser de connaitre et comprendre ces économies souterraines c’est interdire aux politiques publiques d’enclencher dans ces quartiers une dynamique de développement soutenue par les habitants eux-mêmes et donc durable.

Mais pour combattre la fragmentation dangereuse de notre Cité, lourde de replis xénophobes et de dangers d’affrontements, il faut réussir à briser les frontières culturelles et physiques qui isolent ces communautés et leurs quartiers : il faut donc construire l’archipel des quartiers et l’archipel des cultures.

Être bâtisseur d’Archipel c’est à la fois combattre les communautarismes qui enferment et les dogmes Jacobins pour qui l’intégration est synonyme d’assimilation-digestion dans une France où nous serions tous Gaulois… Faire archipel ce n’est pas renoncer à son identité mais se convaincre que connaitre et partager nos différences est la condition nécessaire d’une cité cosmopolite apaisée et riche de ses diversités.

Plus concrètement cela implique une politique municipale qui non seulement améliore le cadre de vie des quartiers, leur vie sociale, leur patrimoine, leurs équipements, leur économie, mais multiplie les actions de désenclavement physique, culturel, éducatif et festif pour les mettre en réseau entre eux et avec l’ile -centre dont les contours sont le Castillet, la place de la République, les Dames de France et le théâtre de l’Archipel. Et la présence active sur le terrain des élus municipaux et de leur Maire fait partie de cette mise en réseau des quartiers et de la dynamique du centre ville…

Aujourd’hui plus j’analyse mon action publique, innovante et entreprenante sur le premier mandat, moins sur le second, plus je porte un regard inquiet sur l’évolution actuelle des quartiers, Saint Jacques en particulier ou encore le centre-ville et plus je crois nécessaire de renforcer la cohésion de l’archipel des quartiers, l’archipel des communes, l’archipel des cultures, l’archipel des croyances…

Demain, il faut s’en convaincre, les élections municipales seront la confrontation des bâtisseurs d’archipels contre les bâtisseurs de frontières.