Quels enseignements peut-on tirer de l’élection présidentielle autrichienne ? A entendre les responsables du Front National le score historique de l’extrême droite en Autriche serait l’hirondelle qui annoncerait le printemps 2017.
Tout de même un peu déçu Florian Phillipot : le Président autrichien sera écolo et non pas national social populiste…
Pourtant tous les sondages annonçaient la victoire du FPÖ, le FN autrichien, et le dirigeant de ce parti, Heinz Christian Strache, issu de la famille néo-nazie, se voyait déjà Chancelier après les élections législatives anticipées qu’auraient immanquablement provoquées son poulain devenu Président, le jeune Norbert Hofer au sourire irrésistible, le langage lisse, le parfait gendre…
Les sondages se sont trompés mais de peu, quelques 36000 voix, et le même Florian Phillipot de voir là, « l’annonce faite à Marine » pour un heureux événement dans un peu plus de 9 mois…
Sur quoi fonde –il ses espoirs ?
Sans aucun doute sur la similitude de la stratégie et des mots d’ordre du FPÖ et du FN :
On adoucit la musique pour laisser en pizzicato les accents du pangermanisme hérités du national -socialisme, pizzicato mais pas en sourdine pour laisser entendre la revendication de l’annexion du Tyrol sud, italien depuis 1918…On lâche la voix sur « l’immigration islamique », l’UMPS local (sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens qui gouvernent ensemble le pays) et l’Union Européenne (mais bizarrement le FPÖ veut maintenir l’Autriche dans l’espace Schengen…On entend même comme chez le FN des louanges pour Vladimir Poutine, un homme fort, patriote, chrétien, antieuropéen !
Oui, à l’évidence, les similitudes entre le FN et le national-socialisme populiste du FPÖ sont fortes et on comprend que Marine Le Pen puisse rêver d’un score autour de 50%…
Mais l’Autriche n’est pas la France.
L’Autriche, historiquement terre d’accueil, vient d’être traversée par près d’un million de réfugiés…Certes seuls 90 000 ont demandé l’asile, soit 1% de la population, mais le spectacle était celui d’une invasion incontrôlée et d’une solidarité européenne hésitante et à minima…
Par ailleurs l’Autriche cherche encore son identité, une identité malmenée depuis un siècle, en 1918 sa Constitution affirme qu’elle « est une partie de la République allemande, puis vient l’annexion sans heurts par l’Allemagne nazie en 1938 et ce n’est qu’en 1955, il y a moins de trois générations, que l’Autriche retrouve sa souveraineté.
Enfin le système électoral, proportionnelle intégrale pour les assemblées nationales et locales, a créé une culture de la coalition et du compromis (comme en Catalogne). C’est ainsi que l’on a déjà connu en Autriche un gouvernement droite libérale- extrême droite en 1999 et qu’aujourd’hui même une Région est gouvernée par une coalition socialistes- extrême droite, FPÖ-SPÖ, l’équivalent de PS-FN en France !!!
En Autriche aucun « cordon sanitaire » n’existe entre les conservateurs et l’extrême droite ni même avec les sociaux-démocrates : on trouve des coalitions « noir-bleu » et même « noir-rose » ! La culture du « Front républicain »n’existe pas et les « porosités » avec le FPÖ, nationaliste pangermaniste, xénophobe et raciste se développent tous azimuts…Pas étonnant dans ces conditions qu’il soit aux portes du pouvoir…
L’Autriche n’est pas la France mais dimanche, une nouvelle ère politique y a vu le jour sur les ruines des partis de gouvernement : un sursaut populaire a barré la route à l’extrême droite en élisant contre toute attente Van der Bellen, un écolo modéré, solide sur les valeurs humanistes, un non professionnel de la politique mais pas un amateur ; bref : hors système.
Les autrichiens ont évité dimanche ce que Stéfan Zweig appelait « l’effroyable défaite de la raison » ; certes le résultat final est lourd d’inquiétudes mais il a pour moi la signification d’un sursaut salubre d’un peuple cultivé, pacifique et généreux.