On peut échapper à tout sauf à sa conscience !

Vous vous souvenez du petit Aylan, la face dans le sable d’une plage de Méditerranée ? La photo, projetée sur le grand écran de « Visa pour l’image » avait fait le tour du monde et secoué la mauvaise conscience de nos chefs d’Etats ; quelques mesures furent prises sous l’impulsion de Madame Merkel, la chancelière allemande née en Allemagne de l’Est d’où fuyaient au péril de leur vies des milliers de réfugiés pour échapper à la dictature stalinienne et la STASI de sinistre mémoire.

Le jeune Aylan Kurdi, 3 ans, originaire de Syrie, mort en tentant de rejoindre la Grèce depuis la Turquie. (AP Photo/DHA, File)
Le jeune Aylan Kurdi, 3 ans, originaire de Syrie, mort en tentant de rejoindre la Grèce depuis la Turquie. (AP Photo/DHA, File)

Aujourd’hui une nouvelle photo, publiée par Sea Watch, une ONG qui secourt les Boat People au large de la Lybie : un petit enfant mort, noyé, dans les bras de celui qui l’a repêché…Insoutenable…Elle circule sur les réseaux sociaux pour que nous n’oublions pas qu’ils sont centaines, qu’ils sont milliers les petits Aylans qui meurent à nos portes dans les eaux de notre Méditerranée…Des photos pour nous rappeler que nous, pays démocratiques, pays des droits de l’Homme, pays qui ont connu de nombreux drames rejetant sur les chemins et la mer des centaines de milliers de réfugiés, la Retirada, les Pieds Noirs, les Harkis, les bosniaques, nous pays riches, nous nous replions sur nous-mêmes pour demander des frontières et des murs et faire exploser la communauté européenne, la plus belle, la plus généreuse réussite politique des temps modernes !

Photo diffusée par l'ONG. Christian Buettner/Eikon Nord GmbH Germany/Handout via REUTERS
Photo diffusée par l’ONG.
Christian Buettner/Eikon Nord GmbH Germany/Handout via REUTERS

« Où est passé notre humanité ? » demande Nicolas Hulot dans une tribune publiée le 2 mai dans le journal « le Monde ». Oui, on s’accoutume à l’enfer des autres…on s’habitue à l’insoutenable…On y pense…et on oublie !

Pire : partout en Europe ces images, au lieu de réveiller nos consciences et notre intelligence collective, projettent nos concitoyens dans les bras des partis nationalistes xénophobes ; c’est ainsi qu’en Autriche, je l’écrivais ici la semaine dernière, en Autriche, pays de grande culture et économiquement très solide (chômage à 5% !) un candidat national-socialiste-populiste qui a basé sa campagne électorale sur le rejet des réfugiés et l’interdiction de toute immigration en provenance de pays musulmans n’a échoué que de quelques dizaines de milliers de voix dans sa tentative de devenir le premier Président d’extrême droite de l’Europe !

Nous sommes dominés par nos peurs et nos dirigeants s’alignent sur ces peurs : la France n’a accepté d’accueillir que 30 000 réfugiés en deux ans (l’Autriche 90 0000 cette année…) alors qu’ils sont des centaines de milliers jetés sur les routes et la mer pour fuir l’horreur de l’Etat islamique ! Seule Madame Merkel a tenu le drapeau des valeurs humanistes de l’Europe ; seule contre tous elle essaie de bâtir une politique européenne pour faire face.

Comment une Europe de 500 millions d’habitants, première puissance économique mondiale (le P.I.B. de l’Union Européenne est supérieur à celui des U.S.A.), comment cette Europe peut-elle être incapable d’assumer son devoir d’humanité ?

Qui ne voit qu’il ne peut y avoir de solution nationale à la crise humanitaire des réfugiés politiques et demain des réfugiés climatiques ? Le rétablissement des frontières des Etats est totalement illusoire devant le flot de ces familles, femmes et enfants compris qui se pressent aux frontières dans des conditions épouvantables.

Seule une politique européenne basée sur des quotas adaptés à la situation démographique et économique de chaque pays, une vraie police des frontières, l’ouverture de couloirs sécurisés, une aide massive aux pays limitrophes qui assument le premier accueil et une définition commune des critères du droit d’asile peut permettre de faire face à l’urgence humanitaire actuelle en espérant que l’offensive militaire contre Daesch finira par pacifier la Syrie et permettre le retour des réfugiés dans leur pays, leurs Cités , leurs maisons…

Oui le drame humanitaire sans précédent que nous rappellent les photos insoutenables de ces enfants noyés, rejetés sur nos rives impose une Europe plus forte et recentrée sur les missions que les Etats ne peuvent assumer seuls ; la maitrise de l’immigration en est une dont l’urgence et la complexité a été révélée par la guerre en Syrie.

Pour moi le message de ces photos est clair : le repli nationaliste est une impasse monstrueuse.