J’ai applaudi lorsque j’ai vu les travaux du nouveau site universitaire au contact des bâtiments de l’Université créée en 1349 par Pierre IV, roi d’Aragon et comte de Barcelone : enfin les démolitions que j’avais arrachées à la Commission Nationale des Secteurs Sauvegardés précisément pour y construire un équipement culturel trouvaient leur destination culturelle ! L’extension sur les immeubles voisins était cohérente et marquait une ambition salutaire de dynamiser le centre-ville et de désenclaver Saint Jacques.
La suite est moins cohérente et le souffle de l’ambition s’est dispersé, dissipé…
Rien ou presque pour organiser des flux de circulation à la dimension du projet et la rue des Carmes est toujours aussi triste, sale et dans le mauvais sens…Rien ou presque pour transformer la place Rigaud en centre de la vie étudiante et la transformation de la Bourse du travail en bibliothèque restera anecdotique ; la place est à refaire et l’acquisition des immeubles dégradés incontournable.
Et voilà qu’il est question de transformer le théâtre historique en amphithéâtre d’enseignement alors qu’il existe à proximité immédiate du nouveau site universitaire des immeubles et des terrains propriété de la ville…
Par quel raisonnement peut-on justifier de prendre le risque de briser la cohérence et le charme de ce théâtre à l’italienne qui a déjà traversé deux siècles ?
Par souci d’économie ? Je sais d’expérience la complexité et la fragilité de notre vieux théâtre construit il y a plus de deux siècles ; les travaux seront coûteux et le chantier plein de surprises pour, in fine, déboucher sur un amphithéâtre médiocre et un théâtre avili et inadapté à des manifestations cultuelles ; de plus supprimer la salle Jean Cocteau c’est asphyxier la vie sociale autour et à l’occasion des représentations.
En fait, ce projet part d’une fausse bonne idée : rendre le théâtre polyvalent pour augmenter sa fréquentation. Cela est possible et souvent souhaitable en construction neuve, c’est-à-dire lorsque dés le départ la conception intègre les contraintes des diverses activités souhaitées ; c’est le cas du Palais des Congrès ; mais là, on est en présence d’un théâtre à l’italienne du XVIIIème siècle et toute transformation se heurte à des contraintes techniques, esthétiques et architecturales très lourdes sans parler de la charge historique de ce bâtiment emblématique. Un concours d’architecture aurait peut-être permis de mettre en évidence une solution mais à quel coût ? Surtout il aurait permis d’engager un vrai débat et de mettre en balance des solutions alternatives par exemple en construction neuve sur les terrains au contact de la Médiathèque.
La municipalité s’est engouffrée dans une fausse bonne idée et la suite n’est qu’improvisation et précipitation.
Mais il n’est pas top tard pour reconnaître ses erreurs et éviter le pire.
J’ajoute que s’affirmer pour ou contre ce projet n’est pas choisir un camp politique !
S’il faut choisir un camp, je serai toujours du coté de ceux et celles qui aiment et respectent la diversité sociale, culturelle et architecturale de Perpignan, ses lieux de vie et d’échanges, son histoire et ses traces.
Ce théâtre, ses dorures et ses velours, sa salle comme un écrin devant le rideau grenat, ses couloirs de pénombres et ses escaliers grinçants, son foyer où l’on se presse, ce sont les premières racines donnant vie, il y a deux siècles, à la vie culturelle au cœur de note Cité catalane.
Avant d’en briser l’âme ne peut-on pas prendre le temps d’un débat ?
Credit photo de la façade du théâtre Made In Perpignan.