La gare de Perpignan, immortalisée par Salvador Dalì, n’a jamais été aussi belle qu’aujourd’hui : la gare historique a retrouvé son lustre d’antan et la nouvelle éclate de couleurs rappelant les mosaïques de Gaudi.
Elle n’a jamais accueilli autant de trains et pourtant le modèle économique du « centre del Mòn » est à réinventer.
Rappelons l’historique de l’opération : Sacrésa, investisseur catalan, assisté par le cabinet d’architecture JM Galan, a été retenu à l’issue d’un appel d’offres international que j’avais lancé en 2005 : plus de 120 millions d’€ ont été investis par Sacresa, l’Agglo a financé l’aménagement du Bd St Assiscle et la Ville le passage piéton qui enfin crée une continuité entre la rue Pascal Marie Agasse et l’av. de la gare. Compte tenu de la vente du foncier et des droits à construire la Ville est bénéficiaire dans l’opération : c’est la seule gare construite en France qui n’a rien coûté au contribuable !
Mais le modèle économique de départ a échoué.
La faute à la crise économique massive de 2008 qui s’abat au moment même où l’opération s’achève : le promoteur est ruiné par l’effondrement du marché immobilier en Espagne et celui des bureaux à Perpignan ; dans ce contexte les grandes enseignes, notamment « Zara », refusent le risque perpignanais et restent à Figuéres et Gérone ; enfin les programmes de logements, près d’un millier étaient prévus pour accompagner la montée en puissance du centre commercial, ne sortent de terre qu’aujourd’hui et encore lentement ; et comme un malheur n’arrive pas tout seul, l’Etat a gelé pendant de longues années la commercialisation des bureaux afin d’y regrouper ses services pour finalement abandonner son projet récemment… Dur…dur !
Conclusion: le modèle économique est à réinventer.
A mon avis il doit se recentrer sur les loisirs et l’économie de la connaissance.
Il faut d’abord comprendre que les galeries commerciales à l’ancienne, celles qu’on a vu se développer en continuité des grandes surfaces alimentaires, Auchan, Carrefour, Leclerc etc. n’ont plus d’avenir. Les U.S.A. montrent le chemin : leurs grandes surfaces que l’on a copié en France il y a 30 ans sont aujourd’hui des friches industrielles ; par contre se construisent au cœur des cités des centres commerciaux compacts centrés sur les loisirs. C’est dans cette direction qu’il faut, à mon avis, réorienter le « centre del Mòn ». Pour les bureaux il faut jouer la carte de l’économie de la connaissance c’est-à-dire de petites entreprises à haute valeur ajoutée qui ont besoin de la proximité de moyens de communication avec les grandes métropoles et donc de l’aéroport international de Barcelone. C’est pour soutenir cette stratégie que j’y avais implanté l’Agence de Développement Economique de l’Agglo et bâti le projet de regroupement de la « matière grise publique » (Agence d’Urbanisme, S.P.L., Etablissement Public Foncier) dans la « proue du navire », cette carcasse en béton désolante qui est aujourd’hui la première image que l’on donne de Perpignan à tous les visiteurs qui arrivent du Nord par les TGV…Une fois de plus la vision comptable à court terme et l’épouvantail de la dette ont paralysé l’action : en abandonnant ces projets on s’interdit tout sursaut à moyen terme.
Une gare dans une ville est un équipement public et un lieu essentiel à sa dynamique économique : les pouvoirs publics, la ville et l’Agglo mais aussi le département, la Région et l’Etat, ne peuvent laisser le jeu du marché détruire ce lieu ; ils ont la responsabilité, évidemment partagée avec les propriétaires privés, de bâtir une stratégie (j’ai proposé des orientations) et d’accepter d’investir pour que se libère la rente foncière que toute gare tôt ou tard génère ; faute de quoi le centre du monde ne sera que le centre névralgique du déclin de notre territoire.
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles » Sénéque.