Beaucoup ont essayé de définir le mouvement des Gilets Jaunes, sa composition sociale, les causes de la colère à visages multiples où se mêlent l’exigence et le flou, son avenir et ses conséquences politiques. Je n’ai rien lu, rien entendu, de bien convaincant si ce n’est peut être les analyses de l’historien Pierre Rosanvallon pour qui « cette révolte est le révélateur du nécessaire basculement de la société dans un nouvel âge du social et de l’action démocratique ».
Nouvel âge du social où sera remis en cause notre système d’assistance (assistanat ?) couteux, inefficace et finalement injuste construit depuis des décennies et dont l’architecture est devenue illisible. Le débat sur le revenu universel engagé lors des dernières élections présidentielles a été vite refermé : le mouvement des gilets jaunes oblige à le relancer car la question du « pouvoir d’achat » a vite été élargie au « pouvoir de vivre » qui au-delà du « reste à vivre » inclut l’exigence de dignité, de respect, d’écoute et de liberté. C’est ce qui explique la rapidité et l’ampleur de la résonnance à travers tous les milieux, salariés et retraités modestes, autoentrepreneurs, petits patrons etc.
La colère qui avec la puissance médiatique des réseaux sociaux et des chaines d’info s’est transformée en révolte puissante a mis au centre du débat politique la question sociale reléguant au second plan les questions identitaires et leurs dérives nationalistes et xénophobes ; et c’est tant mieux !
Il est désormais incontournable de remettre en cause le système social et fiscal ; le chemin sera long mais il est incontournable.
Encore faut il pour s’engager sur ce chemin que la question démocratique c’est-à-dire la légitimité de ceux qui dirigent, soit résolue et ce n’est pas un débat national aux contours flous et des cahiers de doléances dans les mairies qui régleront le problème !
La rigidité de nos institutions ne permet aucune issue politique à la révolte actuelle qui dés lors met violemment en lumière l’inadaptation de la Vème République aux exigences démocratiques d’une société informée, interactive et où les masses populaires sont en mal de reconnaissance : un Président et une majorité monolithique élus pour 5 ans par moins de 20% du corps électoral (compte tenu des abstentions) ont besoin de se relégitimer régulièrement.
Mais comment ?
Dissoudre l’Assemblée et déboucher sur une cohabitation impuissante qui discréditerait encore davantage les institutions ? Démissionner le Premier Ministre mais sans changement de cap, sans changement de majorité ? Multiplier les référendums sur tous les sujets économiques, fiscaux, environnementaux, sociétaux ? Autant supprimer le parlement et se priver de sa capacité d’analyse, de négociation et de décision dans un monde devenu très complexe et très dangereux ; d’ailleurs aurait-on supprimé la peine de mort, créé le droit à l’I.V.G. ou le mariage pour tous et bien d’autres réformes sociétales par référendum ? J’en doute… Néanmoins l’expérience suisse et surtout italienne des référendums d’initiative citoyenne mérite d’être analysée et adaptée à la culture politique française.
La révolte des Gilets Jaunes impose de réinventer la démocratie de délégation ce qui rend désormais incontournable une évolution profonde de la Constitution vers un système parlementaire, où l’exécutif est sous contrôle d’un Parlement représentatif de la diversité sociopolitique du corps électoral et donc capable d’être le relais interactif des questions qui mettent en tension la société française.
Le système jupitérien fondé sur une République bonapartiste est mort sur nos ronds-points et ce en dépit des casseurs et de leur violence abjecte.
Désormais la voie est ouverte pour inventer une République démocratique.
Crédit photos MadeinPerpignan.com